Ruben est recruteur au sein du cabinet de recrutement parisien Getpro. Il est spécialisé dans le recrutement de profils tech, aux compétences particulièrement prisées. Aujourd’hui, il nous livre ses méthodes et conseils pour sourcer et recruter les meilleurs profils.
Quelles sont les missions quotidiennes d’un tech recruteur chez Getpro ?
Mon métier consiste à trouver les talents stratégiques pour le compte d’entreprises qui peinent à recruter sur des métiers précis – en l’occurrence, il s’agit ici de métiers dits “en tension” car fortement pénuriques.
Pour pouvoir trouver ces talents rares, je commence par rencontrer le client (il s’agit majoritairement de startups tech). Ce premier échange me permet de bien cerner le besoin de l’entreprise, son activité, ses problématiques, ses valeurs… Ensuite, la “chasse” peut commencer. Autrement dit, je commence à “sourcer” les candidats potentiels qui pourraient être intéressés par un poste précis. Je sélectionne les meilleurs à l’issue d’un premier entretien puis les soumets à mes clients.
Mon objectif final est de placer le bon candidat chez le bon client, pour combler un besoin en recrutement. Une fois le candidat recruté, j’assure un certain suivi, en veillant notamment à la bonne intégration des candidats pendant leur période d’essai. Je peux aussi intervenir avant la signature du contrat de travail, pour négocier le salaire du candidat.
Quels sont les challenges que vous rencontrez au quotidien ?
Les défis d’un recruteur peuvent varier selon les spécialités, les secteurs… De mon côté, j’interviens pour des acteurs de la tech. Mes problématiques sont spécifiques aux Tech Recruiters, mais pas que.
- Comme tout chasseur de têtes, j’aide des entreprises qui possèdent des besoins en recrutement très durs à combler. Lorsque je contacte un talent tech, je sais pertinemment que j’ai affaire à un candidat très prisé. Ce qui veut dire que je vais être en concurrence directe avec d’autres entreprises… Je dois redoubler d’inventivité pour essayer de récupérer le talent pour mon client. Un recrutement n’est donc jamais “donné”.
- Autre difficulté qui, cette fois-ci, est commune à de nombreux recruteurs : je fais un métier où de nombreux facteurs humains s’entremêlent. Des facteurs que je ne peux pas toujours contrôler.
Est-ce que le candidat que je contacte sera à l’écoute du marché ? Est-ce que l’offre que je lui propose va lui plaire et correspondre à ses projets de vie plus personnels ? Au-delà des compétences techniques du candidat, est-ce que sa personnalité va plaire au client ? Est-ce qu’il y aura un fit humain ?
Toutes ces questions se posent lors d’un recrutement, et il y a souvent une part d’aléatoire qui m’échappe.
- Et puis bien sûr, parfois, la difficulté réside dans la recherche elle-même. Certaines recherches sont plus compliquées que d’autres, puisque certaines compétences tech sont plus pénuriques que d’autres. Rappelons que tous les développeurs ne travaillent pas sur les mêmes langages de programmation. Selon les tendances et évolutions technologiques, certains langages sont plus demandés que d’autres, ou plus rares que d’autres. C’est le cas notamment du langage Ruby on Rails, qui est particulièrement demandé. Et bien sûr, la rareté d’une compétence peut rendre ma recherche plus ardue.
- Autre défi auquel on ne pense pas toujours : garder les clients motivés et réactifs ! Même si, par définition, un client qui fait appel à un cabinet de recrutement est prêt à investir beaucoup dans le recrutement de ses talents, cela ne signifie pas qu’il y dédiera du temps. Or, pour opérer un recrutement efficace, j’ai besoin que le client soit réactif quand je lui soumets des profils. Mon job, c’est aussi de faire en sorte d’obtenir des retours rapidement, parce que les développeurs sont très sollicités. Avec ces talents, tout doit aller vite. C’est aussi la meilleure façon d’assurer une expérience candidat optimale.
Au final, ça demande beaucoup de diplomatie, être recruteur…
Exactement. Un bon recruteur sait être diplomate. Il doit apprendre à défendre les intérêts de l’entreprise, mais aussi des candidats, quand il décèle leur potentiel. Pour vous donner une idée, l’un des plus beaux closing que j’ai réalisé à ce jour concerne une candidate qui n’avait pas plu à mon client au départ. Sans même l’avoir rencontrée, mon client n’avait pas particulièrement apprécié la candidate, au vu de son CV. De mon côté, j’étais convaincu qu’elle était parfaite pour le poste. J’ai dû convaincre mon client de lui proposer un premier échange téléphonique. À l’issue du coup de fil, mon client était conquis. Aujourd’hui, la collaboration entre eux est au beau fixe.
En tant que talent recruiter, je dois être convaincu de la valeur et de la pertinence des profils que je propose à mes clients. C’est à moi de mettre en valeur les candidats auprès de l’entreprise, de souligner leurs points positifs et leur adéquation au poste… C’est un métier très commercial, mine de rien !
Le recrutement est presque une affaire d’intuition, donc… Comment avez-vu repéré le potentiel de la candidate ?
La candidate en question avait des expériences qui correspondaient parfaitement avec ce que le client recherchait. Quand je l’ai appelée avant de la sélectionner, j’ai pu évaluer son niveau de discours, son niveau de motivation, sa capacité d’analyse quand elle parlait des différentes problématiques qu’elle a dû affronter par le passé… Tout ce qu’on ne peut pas toujours déceler en lisant un CV. À mon niveau, je savais qu’il s’agissait d’un bon match.
Est-ce que la culture d’entreprise, c’est primordial, quand on recrute pour des startups ?
Pour une startup, la culture d’entreprise est aussi importante que les compétences techniques. J’ai déjà failli recruter une candidate qui était très douée techniquement. Elle était diplômée d’une très grande école d’ingénieur et avait surpassé le test technique qui avait été proposé par mon client. Mais il y avait une ombre au tableau : au niveau du culture fit, ça n’allait pas. Malgré son excellence technique, la candidate n’a pas été retenue.
Ce qui peut se comprendre, après tout. Une entreprise, ce qu’elle souhaite avant tout, c’est embaucher une personne avec qui elle va aimer travailler. Pour moi, le savoir-être est tout aussi essentiel que les compétences techniques.
Est-ce que le covid a soulevé des défis particuliers au niveau de votre travail ?
Mon rapport au COVID-19 est très particulier. J’ai entamé mon expérience au sein du cabinet de recrutement en mai 2020, soit en pleine pandémie. Mon onboarding, il s’est fait en télétravail intégral. Personnellement, ça ne m’a pas dérangé, au contraire. Le télétravail m’a permis d’avancer à mon rythme, d’avoir du temps pour apprendre et me familiariser avec l’entreprise…
Le seul vrai changement s’est plutôt fait du côté des clients. Normalement, je rencontre les clients en présentiel, je découvre leur entreprise, leur univers… En l’espace d’un an, j’ai pratiquement rencontré tous mes clients par visioconférences, ce qui est assez inédit.
Sinon, je dirai que le COVID-19 a contribué à démocratiser l’usage du télétravail au sein de mon entreprise, qui n’était pas du tout une adepte de ce mode de travail, avant l’épidémie. Comme beaucoup d’entreprises françaises, le cabinet a découvert les vertus du remote en 2020 – et pour ma part, c’est un mode de fonctionnement qui me convient très bien.
Créer du lien avec les candidats malgré la distance, c’est possible ?
Alors effectivement, la plupart des entretiens avec les candidats s’effectuent en visioconférences. Pour autant, j’encourage toujours mes clients à proposer au moins une étape en présentiel. Il peut même s’agir d’un déjeuner ou d’un évènement informel… C’est selon moi indispensable, si l’on veut mesurer le culture fit. C’est aussi l’occasion, pour les candidats, de s’imprégner de l’ambiance qui règne au sein de l’entreprise, de se projeter dans les bureaux, etc… Autant de choses qui restent importantes pour les candidats.
Faut-il parler de la rémunération d’emblée, quand on est recruteur ?
Quoi qu’il arrive, quand je rencontre mes clients, je connais la fourchette salariale qu’ils sont prêts à allouer pour le profil recherché. Dans une logique de transparence totale, je précise toujours cette fourchette aux candidats, dès ma première prise de contact. C’est un principe simple et pourtant, peu de recruteurs l’appliquent, ce qui est dommage.
Dans le monde de la chasse, tout part du premier message. C’est pourquoi, quand je contacte des candidats, je précise systématiquement toutes les informations utiles dans l’objet de mon message. Les détails qui pourront faire la différence. Dans l’objet du message, j’inclus donc le nom et le type de l’entreprise, son quartier, son secteur d’activité, le titre du poste, s’il y a du remote et, enfin, la fourchette salariale.
Tout le monde gagne du temps lorsque la promesse salariale est indiquée d’emblée. A priori, si le candidat répond par la suite, c’est que le salaire proposé l’intéresse.
Malheureusement, la question du salaire reste très tabou en France. Pourtant, ça semble évident : personne n’accepte un poste qui rémunère moins que son travail actuel. Des exceptions existent, notamment dans les “métiers passion”, mais elles sont rares.
La transparence chez un recruteur, c’est donc un atout-clé pour vous ?
Pour moi, la transparence et la personnalisation font partie des qualités essentielles que doit démontrer un recruteur. Évidemment, envoyer un message personnalisé à chaque candidat, ce n’est pas toujours évident. Pour trouver la perle rare, un recruteur doit contacter beaucoup de talents… Heureusement, il existe aujourd’hui des solutions pour trouver un juste milieu entre efficacité et personnalisation.
Par exemple, mon cabinet de recrutement utilise un ATS développé en interne. Cet outil me permet de contacter plusieurs candidats simultanément, tout en personnalisant les messages envoyés, grâce à l’ajout de variables (comme le prénom, la formation académique, les entreprises fréquentées, etc). De cette manière, je peux “automatiser une personnalisation”, en quelque sorte.
Est-ce que votre ATS vous permet aussi de vous constituer une solide pool de candidats ?
Tout à fait. Tous les recruteurs de mon entreprise utilisent cet ATS, ce qui me permet de faire très peu de chasse sur LinkedIn. Dans notre ATS, notre base de données candidats est si importante que je peux aller piocher directement dedans pour sourcer les candidats. Il me suffit d’aller voir les offres déjà pourvues par le cabinet pour y trouver un vivier de candidats gigantesque.
C’est d’ailleurs plus pratique de se servir de cette base de données, puisqu’elle contient généralement les coordonnées des candidats… Au final, l’ATS me fait gagner un temps fou. C’est un outil de recrutement incroyablement puissant, et de plus en plus efficace à mesure que l’on y ajoute des candidats.
Les profils tech possèdent en général des compétences très courtisées… Comment vous y prenez-vous pour tirer votre épingle du jeu ?
J’ai plusieurs cordes à mon arc, disons !
- Lorsque j’ai affaire à un profil particulièrement qualifié et demandé, mon premier réflexe est toujours de prévenir mon client. J’attire son attention sur le fait qu’il s’apprête à échanger avec un profil très courtisé. Notre objectif, à ce stade, ce n’est plus de vérifier la pertinence du candidat pour le poste. On doit réussir à convaincre le talent que l’entreprise est faite pour lui.
Pour ce faire, on se concerte tous les deux sur les meilleurs arguments à mobiliser pour attirer le talent dans l’entreprise, sur le package salarial à proposer, la plus-value du poste… Pour mettre toutes ses chances de son côté quand on est sur un recrutement pénurique, il faut savoir pitcher son offre de la meilleure manière qui soit. Ce qui m’amène au point suivant :
- Par définition, un recruteur externe ne travaille pas chez ses clients, mais en cabinet. Or, il faut savoir défendre l’entreprise, sa culture, ses valeurs, mieux que quiconque. Le recruteur est l’ambassadeur principal de l’entreprise sur le marché du travail.
Pour réussir à donner envie à un candidat de rejoindre une entreprise, il faut, selon moi, tenter de s’imprégner le plus possible de sa culture, se renseigner sur l’équipe que pourrait rejoindre le candidat, sur ses méthodes de travail… Et, bien sûr, être le plus transparent possible en matière de rémunération, encore une fois.
- Comme je l’évoquais précédemment, le recrutement est un procédé profondément humain. Il importe, à ce titre, de se montrer très humain pendant les processus de recrutement. Ça parait évident dit comme ça, et pourtant… Pour moi, il est essentiel de tisser un vrai lien avec les candidats.
Personnellement, quand j’ai un candidat au téléphone, je fais toujours en sorte de briser les codes de l’entretien d’embauche formel. Par exemple, je tutoie toujours les candidats, quand ça s’y prête. Je fais en sorte de créer un lien, une certaine chaleur avec le candidat, en étant particulièrement prévenant et amical – sans jamais tomber dans la familiarité, bien entendu.
Pour moi, c’est essentiel, car un candidat avec lequel on a créé une relation nous tient toujours au courant. C’est un candidat qui pensera à nous contacter quand il sera de nouveau à l’écoute du marché.
Inutile de préciser, aussi, que l’expérience candidat est primordiale aujourd’hui, surtout quand on cherche à recruter de candidats prisés. Ce qui revient, encore une fois, à valoriser l’humain.
Si je devais résumer la to-do essentielle à tout bon recruteur, ça serait pour moi :
- Créer du lien avec les candidats et leur offrir la meilleure expérience possible en termes de process de recrutement.
- Faire des retours dès que possible, être transparent sur la rémunération…
- Avoir une approche personnalisée pour montrer au candidat qu’on s’est vraiment penché sur son profil et sur ce qui fait sa singularité.
- Etre le meilleur ambassadeur possible pour l’entreprise, s’imprégner de sa culture, des valeurs de l’équipe… Et être prêt à défendre le talent auprès du client, aussi ! Des tâches ambitieuses en somme, mais qui méritent toute la peine qu’on se donne, car à la fin de la journée, on se sent véritablement utiles. Ce qui n’a pas de prix aujourd’hui !