Peut-on vraiment parler de « Grande Démission » en France ? 

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Les chiffres sont clairs. Entre la fin de l’année 2021 et le début de l’année 2022, la DARES aurait comptabilisé près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de CDI. Des chiffres record jamais atteints depuis 2008, qui s’expliquent par un marché du travail particulièrement dynamique. Peut-on toutefois parler de “Grande Démission” en France ? C’est le sujet de notre article !  

Qu’est-ce que la Grande Démission, au juste ?

L’expression “Grande Démission” nous vient tout droit des États-Unis et s’inspire de la “Great Resignation” – un phénomène qui fait écho aux quelque 48 millions d’Américains ayant volontairement quitté leur travail suite à la crise du covid. 

Ce phénomène de Grande Démission concerne tous les domaines et postes – quel que soit le statut hiérarchique de l’employé(e) ! 

⚠️ La Grande Démission ne doit pas être confondue avec le concept de “démission silencieuse” (ou “quiet quitting” en anglais). Avec ce type de démission, le salarié ne quitte pas son travail, bien que désengagé. Il s’attèle plutôt à effectuer le strict minimum afin de garder son emploi (soit à réaliser les missions prévues par sa fiche de poste, sans jamais en faire plus). 

Peut-on parler de Grande Démission en France ? 

Comme l’explique la DARES, le taux total de démission au premier trimestre 2022 (par rapport au nombre de salariés) était de 2,7% en France… ce qui reste au-dessus des taux habituels, mais inférieur au taux historique de 2,9% connu fin 2008 par exemple. 

👉  Autrement dit, si les chiffres actuels sont importants, ils ne sont pas inédits.

On peut dire la même chose de la Grande Démission américaine : autour des 3% fin 2021, ce taux de démission avait déjà atteint à des niveaux similaires dans les années 2000 (voire même dès les années 50 dans l’industrie manufacturière).

📌  Selon la DARES, le taux de démission est davantage un “indicateur cyclique”. Il diminuerait pendant les crises et augmenterait sensiblement en période de reprise/croissance. Et c’est d’ailleurs logique : plus la période est sensible et marquée par le chômage, moins on prend de risques. À l’inverse, plus la période est favorable d’un point de vue économique, plus les opportunités sont nombreuses en matière d’emploi… et plus les salariés sont aptes à démissionner pour aller voir ailleurs !  

Autrement dit, ce qu’on appelle “Grande Démission” aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un phénomène normal survenant régulièrement en période de rebond économique post-crise. Rappelons que le dernier trimestre de 2021 a été marqué par une croissance économique spectaculaire, avec une croissance de 7% du PIB – selon l’Insee.  

Un taux d’emploi qui reste stable

Malgré les démissions importantes enregistrées ces derniers mois, le taux d’emploi en France est stable, quelles que soient les tranches d’âge (voire même plus élevé qu’avant la crise). Cela signifie une chose : les personnes qui démissionnent le font pour changer de travail – et, par conséquent, ne se retirent pas du marché de l’emploi. 


💡 Selon les chiffres de la DARES, les embauches en CDI sont en nette progression et dépassent les niveaux d’avant-crise (+18,5 % par rapport au 4e trimestre 2019).

Source : La Dares

Une opportunité pour les salariés de négocier

Ce n’est pas un scoop : depuis l’arrivée de la crise, les attentes des collaborateurs ont changé. Plus de flexibilité et de liberté, un meilleur équilibre vie pro/vie perso, une quête de sens, un meilleur cadre de travail…  Nombreux sont les salariés qui ont réévalué leur rapport au travail et les conditions dans lesquelles ils souhaitaient l’exercer. 

Bonne nouvelle pour ces recrues : le contexte économique favorable, qui facilite les mobilités professionnelles, augmente leur pouvoir de négociation. Conséquence : pour retenir leurs employés, les entreprises sont désormais prêtes à effectuer quelques concessions

Comme l’explique le statisticien Mickaël Orand à Radio Classique, “entre le nombre d’emplois vacants, le nombre d’emplois à pourvoir et le chômage qui diminue, ce sont les salariés qui sont en position de force dans la négociation sur le marché du travail”. Autrement dit, le rapport de force entre l’employeur et l’employé tend à s’inverser en faveur de l’employé – et notamment quand il s’agit de recrues particulièrement diplômées. Ces dernières peuvent aujourd’hui choisir leurs conditions de travail (salaire, organisation du travail, missions…). 

Peut-on parler de Grande Démission en France, en conclusion

On ne peut pas vraiment parler de “Grande Démission” – puisque le taux de démission actuel en France n’est pas inédit et s’explique par la période de rebond économique que nous traversons. En revanche, la volatilité des salariés et les nombreuses opportunités qui s’offrent à eux sur le marché de l’emploi peuvent accentuer les difficultés de recrutement de certaines entreprises, notamment dans le secteur des services. 

La fidélisation des employés est donc, plus que jamais, un enjeu majeur pour les entreprises aujourd’hui !

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