C’est désormais officiel : la durée du congé de paternité va bel et bien doubler en France, d’ici le mois de juillet 2021. Cette nouvelle mesure, annoncée par le gouvernement le 22 septembre dernier, s’inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Il sera examiné prochainement par le Parlement. Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle mesure. Quelles conséquences pour votre entreprise ? Petit tour d’horizon.
Le contexte de la réforme
Aujourd’hui naturel, le congé de paternité n’a pas toujours existé en France. Apparus au moment de la Libération, les premiers congés de naissance ont vu le jour grâce à la loi du 18 mai 1946. D’une durée de trois jours, ils ont longtemps été les seuls jours de repos rémunérés accordés aux jeunes papas.
Le 1 janvier 2002 un congé de paternité de onze jours est instauré en complément du congé de naissance de trois jours. C’est une initiative de Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille.
Depuis, le congé de paternité est resté stable à 14 jours. C’est une durée bien inférieure à certains usages européens. La Norvège, par exemple, propose déjà près de 15 semaines de congé paternité, la Finlande 9, et l’Espagne 8.
Alerté sur ce sujet, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik réunit alors en 2019 une commission d’experts. Cette commission s’est penchée sur les conditions nécessaires au bon développement et à la construction de l’enfant.
La conclusion du rapport, remise le 8 septembre dernier, est unanime. Ainsi, durant les 1000 premiers jours de l’enfant, “il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse ». Un congé paternité allongé semble alors nécessaire, voire décisif.
L’allongement du congé de paternité en pratique
- La durée du congé paternité passera donc de 14 à 28 jours à partir du 1 juillet 2021. Cela comprend les congés de naissance et les week-end.
- Tous les salariés peuvent bénéficier de ce congé paternité. Et, ce, quelle que soit la nature du contrat qui les lie à leur entreprise (CDI, CDD, intérimaire, à temps partiel…).
- Le congé paternité est attribué de plein droit au père de l’enfant, quelle que soit sa situation familiale et sa relation avec la mère. Ce congé concerne également tous les seconds parents, qu’ils soient ou non les pères de l’enfant. Dans ce dernier cas, il faudra justifier de sa relation avec la mère de l’enfant.
- Les salariés ne sont pas les seuls bénéficiaires du congé paternité. Travailleurs indépendants, demandeurs d’emploi et professions libérales peuvent déjà profiter de ce congé (1) à l’heure actuelle.
- Sur ces 28 jours, 7 sont désormais obligatoires. Ni le jeune parent, ni l’employeur ne peuvent s’y opposer. Cette condition nouvelle vise à favoriser la justice sociale.
Et dans les faits
Seulement 7 pères sur 10 prendraient aujourd’hui leur congé paternité (2) , pourtant indemnisé par l’Assurance Maladie. Selon l’Élysée, cette réticence s’explique par une charge de travail trop importante ou la crainte des jeunes pères de perdre leur emploi. Une situation qui touche les contrats les plus précaires. Seuls, 50% des salariés en CDD prendraient leur congé paternité.
Désormais, tout jeune papa/second parent devra obligatoirement poser au moins 7 jours de congé paternité. L’usage des jours de congé restants reste à la libre discrétion de l’employé.
À noter que l’allongement du congé paternité est encore en cours de construction. Il doit être discuté avec les partenaires sociaux. Le caractère obligatoire du congé reste donc à confirmer.
Si la mesure est validée par le Parlement selon ces critères, les employeurs récalcitrants risqueraient alors une amende de 7 500€ ainsi que le paiement d’éventuels dommages et intérêts.
- Le salarié doit avertir son employeur quant à la prise du congé au moins un mois avant la date de départ envisagée. Aussi, le congé est à poser en une fois, dans les quatre mois maximum suivant la naissance de l’enfant.
- Le coût total de cette nouvelle mesure est estimé à 520 millions d’euros en 2021 et 780 millions d’euros en 2022, pour une année complète.
Qui finance le congé paternité ?
Le congé de paternité suivra le même modèle d’indemnisation journalière que le congé de maternité. Il sera donc plafonné à 89 € par jour. Comme ce congé implique la suspension (temporaire) du contrat de travail du salarié, il n’est plus financé par l’entreprise, qui ne verse plus de salaire. C’est, en revanche, l’Assurance Maladie qui s’occupe de verser des indemnités journalières au parent (sous certaines conditions).
En revanche, les trois premiers jours de congé de naissance sont
Selon l’Élysée, pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation de congé paternité, il est nécessaire d’avoir :
«travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois précédant le début du congé ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 10 302,25 € au cours des 6 derniers mois précédant le début du congé ».
entièrement pris en charge par l’employeur du salarié.
Quels sont les bénéfices du congé paternité ?
Comme démontré par le rapport de la commission d’experts présidée par Boris Cyrulnik, la présence du père/second conjoint auprès du bébé dès ses premiers jours a un impact positif sur son développement.
Un congé paternité permet également de poser des bases solides dans la relation père-enfant.
Une étude allemande montre que les pères qui bénéficient d’un congé de huit semaines :
- Renforcent davantage leur relation avec leur enfant.
- Allègent la charge mentale de la maman.
- Sont plus confiants en tant que parent et plus compréhensifs à l’égard des tâches domestiques.
Plus disponibles, les pères sont, plus à même de prendre soin de l’enfant, et d’accompagner la mère.
Conséquences du congé paternité
Autant d’avantages qui permettent, in fine, à vos salariés de vivre leur vie de parent de façon plus harmonieuse. Un bon point qui aura un impact immédiat sur l’épanouissement de vos salariés.
Une fois rendu obligatoire, le congé paternité pourrait même réduire la discrimination indirecte à l’embauche des femmes. Celles-ci ne seraient donc plus les seules salariées susceptibles de s’absenter potentiellement en cas d’heureux évènement.
Avant même d’être allongé, le congé de paternité était déjà défendu par certaines entreprises françaises. Il appartient aux entreprises d’encourager leurs salariés à se mobiliser pour un modèle de société qu’elles souhaitent défendre.
(1) Source : Ameli.fr
(2) Selon Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, interviewé par le Journal des Femmes
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